
La police morale, responsable de la mort de Mahsa Amini, qui a déclenché des semaines de manifestations qui ont secoué le pays, a-t-elle vraiment été réprimée ? L’annonce du 4 décembre par un procureur général du régime n’est pas convaincante.
Dimanche 4 décembre, le procureur général Mohammad Jafar Montazeri, cité par l’agence de presse iranienne Isna, a annoncé la fin de la police des mœurs dans le pays. La déclaration, qui intervient après trois mois de manifestations après la mort de Mahsa Amini, est sans valeur. Dans le détail, après la question d’un journaliste sur l’éventuelle abolition de la police morale, Montessori a déclaré : « La police morale n’a rien à voir avec la justice, elle a été abolie par ceux qui l’ont créée. En fait, la justice continuera à contrôler beaucoup de la société”.
A lire aussi :
Iran : quatre hommes condamnés à mort pour « collaboration » avec Israël
Une annonce mal interprétée ?
Après cette annonce, de nombreux médias ont rapporté cette condamnation comme l’abolition de cette agence de police, et le procureur lui-même a annoncé que l’influence de l’Iran sur la question de la moralité était maintenue. Cependant, la télévision d’État iranienne Al-Alam a rapidement annoncé que l’information n’était pas vraie, affirmant qu'”aucun responsable de la République islamique d’Iran n’a annoncé la dissolution de la police morale”.
Comme l’explique Jonathan Piron, chercheur spécialiste de l’Iran du think tank Ethiopie, interrogé par Envoi en cours, Montazeri n’a aucun contrôle sur la police morale. “La dispersion n’a pas été annoncée”, a-t-il répondu à un journaliste qui demandait pourquoi la police morale n’avait pas été vue dans les manifestations. Il a nié la responsabilité des responsables du programme, affirmant que la question ne relevait pas de sa compétence, mais sa vague réponse a été médiatisée comme une dispersion.Le régime a annoncé de possibles réformes sur la question du voile, ce qui a accru la viralité de cette information.
Il y a donc en fait une interprétation erronée comme une dissolution du pool moral. La principale question posée était de savoir pourquoi les brigades n’étaient pas dans les rues en ce moment. https://t.co/CiAqCJLGTX Seul le Conseil suprême de la révolution culturelle a le pouvoir de dissoudre
– Jonathan Piron (@jonathanpiron1) 4 décembre 2022
Une force campée sur ses positions
Comme l’explique l’historien et politologue, « La police morale dépend de la police, qui est rattachée au Conseil suprême de la Révolution culturelle, donc le procureur n’a aucun contrôle sur cette structure. Reste à savoir si le système va changer. Dans les prochains jours, mais selon les annonces en cours, le voile l’usure restera inévitablement, donc les compétences de la force morale seront transférées dans tous les cas. Stéphane Dudoignon, chercheur spécialiste de l’Iran au CNRS et auteur de “Gardiens de la révolution islamique d’Iran», confirme cette analyse : « Pour être aboli, il faudrait l’aval de Khamenei.
Selon Stéphane Dudoignon, la police morale sera également toujours active : “Ce programme continuera à ce jour, aussi difficile soit-il aujourd’hui d’après les photos des manifestations”. Selon le chercheur du CNRS, sa suppression ne suffira pas à stopper la mobilisation contre le régime : une grève générale inédite de trois jours a été annoncée avec pour slogan “Union, grève, révolution”. Ainsi, tout soulagement de la radicalisation du mouvement et de la police des mœurs viendra trop tard pour arrêter le mouvement, une ligne gouvernementale qui s’est jusqu’à présent exclusivement centrée sur la répression.”