Annales d’experts
La gestion
24/10/2022
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Temps de lecture : 8 minutes
Il est difficile, a priori, de lier art et management. Pourtant, les deux domaines sont bien moins opposés qu’on ne le pense.
Lier art et gouvernance n’est pas un sujet évident. Pendant longtemps, ils semblaient opposés l’un à l’autre. l’art est désintéressé et l’entreprise cherche le profit. l’art divertit et donc détourne du travail ; de nombreux arts sont basés sur l’imagination, tandis que les affaires sont ancrées dans la réalité. Bref, deux mondes où tout semble s’opposer.
Cependant, le lien entre les affaires et l’art n’est pas nouveau. Les premiers exemples se trouvent dans l’Italie de la Renaissance sous des formes de mécénat privé. En effet, historiquement, le lien existait entre les administrateurs publics et les artistes de Rome. Dans ce cas, le terme patronage vient de Caius Maecenas, conseiller de l’empereur Auguste, qui plaça sous sa protection Horace, Properce, ou surtout Virgile, surtout l’énéide comme l’expliquent les auteurs Rome est une ville universelle. Mais c’est bien le XXe siècle qui sera le siècle où s’épanouira cette connexion, et plus précisément le dernier quart de siècle. Ainsi, à partir des années 1970, plusieurs passerelles ont commencé à exister, par exemple avec le soutien de plusieurs leaders de la philanthropie et de l’art contemporain (pour la France, notamment, citons François Pinault et Bernard Arnault).
Dès les années 1970, les médias, les revues littéraires et les livres consacrés au monde professionnel promeuvent cette thématique de l’art et du management. L’un des pionniers de l’exercice, Henry M. Boettinger, directeur de la planification stratégique d’ATT, a soutenu dans le premier article publié en 1975 dans HBR (édition américaine) que la gestion peut être un art. En France Les réactions a navigué dans cette nouvelle approche tout en maintenant une rhétorique de confort et, à la fin des années 1990, a proposé des articles approfondis sur l’art du marketing, de la stratégie et de la finance. Puis, des années 1970 aux années 1990, plusieurs ouvrages de gestion sont apparus (e.g. Management and Art ou Economics and Culture) ainsi que des revues académiques (e.g. gestion artistique et: Le Journal of Arts Management Law and Society En 1969 environ Thé Revue internationale de gestion des arts en 1998). Il faudra cependant attendre les années 2000 pour que le sujet de l’art en management acquière un véritable statut, notamment avec les écrits d’Henry Mintzberg, qui. Gestionnaire: que font réellement les managers ?
Effets mutuels
Deux dimensions coexistent. Premièrement, l’influence de l’art dans les affaires a souvent été associée à la sphère créative. Puis les techniques artistiques sont devenues des outils pour rendre plus efficace la formation des managers. Dans un article de 2013, Jean-Michel Heitz met en lumière ce lien fort, en établissant notamment un parallèle entre herméneutique et gouvernance. Il se souvient de la célèbre phrase d’Henry Mintzberg en 2011. “La gestion efficace relève davantage de l’art. […] ; l’art produit “l’insight” et la “vision” qui est le fruit de l’intuition. Mais cette connexion peut dépasser le cadre qui s’intègre dans d’autres domaines d’inspiration pour les entreprises.
L’autre dimension renvoie à l’apport du management dans la sphère artistique. Ce secteur est aussi un secteur économique avec ses spécificités, avec des entreprises nécessitant l’utilisation de méthodes de management. Certains chercheurs rapprochent même les entrepreneurs des artistes contemporains face à la concurrence. Les ICC (Industries Culturelles et Créatives) sont un secteur économique clé, notamment pour certains pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Inde ou la France. En France, les ICC font partie des six familles prioritaires à l’export. Cette importance est telle que ces branches sont devenues depuis plusieurs années un champ d’études en sciences de gestion.
Cinq axes principaux
La convergence entre l’art et le management se matérialise aujourd’hui en cinq grandes tendances qui montent en puissance.
– La géopolitique de l’art Par l’importance des entreprises. l’art est un élément du « soft power », notamment celui qui est accessible au plus grand nombre par sa diffusion (musique, cinéma, télévision). C’est un enjeu stratégique pour certains pays, notamment les questions linguistiques. Mais ce problème géopolitique ne concerne pas seulement les États, mais aussi les acteurs privés et les entreprises. Dans une étude de l’Institut français sur le livre de langue française en 2030 et 2050, il apparaît clairement que le rôle des entrepreneurs (auteurs, illustrateurs, traducteurs, libraires, etc.) et des entreprises (éditeurs, imprimeurs, distributeurs, diffuseurs) ; , sociétés événementielles, libraires, grandes surfaces culturelles, etc.) est la clé de la préservation du livre francophone. Les chiffres sont impressionnants. 110 000 auteurs, 6 500 éditeurs, 5 000 libraires, 21 000 bibliothèques dans le domaine du livre français.
– Gestion au-delà de la créativité. l’art a un impact sur la gestion des entreprises, en plus des questions d’innovation, comme on les appelle souvent. L’apport de l’esthétisation du management se traduit par l’organisation, la gestion des risques, le leadership et la culture d’entreprise, l’introduction de nouveaux modes de travail hybrides, l’aménagement des espaces, le bien-être au travail, les modes de management et d’accompagnement du changement, le coaching, le marketing, la stratégie ; L’art est donc une source d’influence pour les entreprises, notamment en termes de nouveaux modes de travail.
– Economie de l’art En France, les HVC représentent environ 100 milliards d’euros, ce qui signifie qu’ils sont aussi importants que l’industrie agroalimentaire et deux fois plus importants que l’industrie automobile en termes de valeur ajoutée, avec 1,3 million de personnes travaillant dans ce secteur. Avec l’aviation, c’est le secteur économique qui exporte le plus vers la France. Les SSP sont donc un élément clé de la France d’aujourd’hui, mais aussi de demain. L’importance de l’art dans l’économie s’applique également aux économies d’autres pays, y compris les pays en développement. La Chine est le premier consommateur de jeux vidéo et le deuxième acheteur d’œuvres d’art. Les ICC sont la deuxième plus grande industrie au Nigeria. Cependant, les disparités infrastructurelles dans la production et la distribution restent fortes ; Aux États-Unis, une salle de cinéma pour 8 000 habitants, une salle de cinéma pour 1,5 million d’habitants en Afrique… L’économie culturelle conserve ses caractéristiques. la plupart des marchés culturels Des oligopoles périphériques, une économie prototypique qui maintient souvent encore en arrière-plan une double approche entre l’art et le commerce. Un autre exemple de cette influence économique est l’importance du mécénat.
– Renforcer le rôle du numérique. le numérique transforme radicalement le monde de l’art et, le cas échéant, dans divers maillons de leur chaîne de valeur. Le numérique change la production dans l’architecture, les jeux vidéo, le cinéma et la télévision. L’impact peut être vu dans la manière dont les travaux sont produits (par exemple, le Building Information Modeling ou BIM, en architecture) mais aussi dans la nature du travail. Dans un sens plus large, le statut de l’artiste peut même être revu, ce qui se voit notamment au regard du rôle et de la reconnaissance, de l’influence voire de l’influence des réseaux sociaux, vecteurs de nouveaux modèles créatifs (par exemple, à propos des Instapoets). rémunération (publicité vs royalties). Le mélange du numérique, voire du physique et du numérique (« figital », contraction de physique et numérique) entraîne l’évolution du mode de diffusion dans le spectacle vivant, le cinéma, la télévision, ainsi que de nouveaux modes de découverte : marathons en série, sped accélérée ou ralentie par l’audience sur les plateformes, etc. Les bandes dessinées ou la littérature imprimée à la demande sont également préoccupantes. Le digital change le mode de consommation dans le tourisme culturel, la mode ou la peinture grâce à la blockchain (en NFTs, pour Non Fungible Token). Enfin, les emplacements physiques sont touchés. par exemple, les musées qui proposent notamment des visites 3D se sont fortement développés pendant la crise du Covid-19.
– Convergence efficace. La révolution des plateformes illustre parfaitement la convergence de l’art et d’autres domaines. Prenons la définition proposée dans le livre Révolution de la plateforme « C’est une activité basée sur la capacité d’interactions créatrices de valeur entre producteurs et consommateurs externes. La plateforme fournit une infrastructure ouverte et participative pour cette interaction, et fournit également les conditions de leur gestion. Si ce modèle touche déjà certains domaines (musique, cinéma, télévision), il peut se diffuser davantage (autres domaines artistiques, éducation, santé, distribution, etc.). Cette convergence aura un impact même sur les modes de fonctionnement des entreprises et du capitalisme en général. La remise en cause du modèle ouvrier historiquement associé à la deuxième révolution industrielle ne porte pas seulement sur les services de VTC, mais bien plus, en l’occurrence la convergence des modèles du secteur culturel.
La valeur qui compte
Il y a quarante ans, certains se demandaient si le management était un art. la situation a changé. Ce phénomène de convergence de l’art et des affaires prend tellement d’ampleur que de plus en plus d’études analysent la contribution de l’art aux affaires et vice versa. Cette nouvelle approche est telle que plusieurs chercheurs les ont compilées en lignes d’analyse exhaustives. Des exemples d’ouvrages récents basés sur ce champ d’analyse incluent la gestion du hip-hop ou encore les vibrations musicales de l’innovation chères à Alberic Tellier. En 2021, la chercheuse Dominique Fanuel va plus loin et introduit le concept d’hybridation. “Au niveau macro et sociétal, les sphères de l’économie, de l’industrie, de l’art, de la culture, du divertissement” sont “hybridées, mélangées, court-circuitées, imprégnées”. […] Si l’art et l’administration/gestion peuvent sembler contradictoires, l’un s’est peu à peu nourri de l’autre. L’art “prend le dessus” sur la gestion, et la direction prend le dessus sur l’art.”
Art et management sont donc de plus en plus liés, et en cette période de recherche de sens, ce lien a une réelle valeur tant pour les entreprises que pour le secteur artistique.
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