
‘Exciting hum’, ‘loud noise’ : les habitants de la ville américaine de Niagara Falls, habitués au grondement apaisant des célèbres chutes, ont récemment découvert un son beaucoup moins agréable : le bourdonnement des fermes de minage de bitcoins.
“Je ne peux dormir qu’environ quatre heures la nuit à cause du bruit constant”, a déclaré Elizabeth Lundy, 80 ans. “Je l’entends même à travers mes fenêtres à double vitrage”, poursuit le coiffeur à la retraite, portant lunettes de soleil et gants de jardinage.
Le bourdonnement mécanique est clair en ce matin ensoleillé d’octobre sur le porche de Mme Lundy. A 500 mètres, sur Buffalo Avenue, où opère la société américaine Bitcoin, il se transforme en un bruit assourdissant.
Les fermes de minage de Bitcoin se sont multipliées aux États-Unis, devenant le leader mondial du secteur depuis que la Chine a mis fin à cette activité sur son territoire en 2021.

Attirée par l’énergie hydroélectrique à bas coût disponible à Niagara Falls, la société Blockfusion s’y est installée en 2019, suivie en 2020 par l’américain Bitcoin, qui s’est installé dans une ancienne usine de sodium.
Ce dernier a installé des centaines de ventilateurs bruyants à l’extérieur pour refroidir les milliers de cartes graphiques qui chauffent en résolvant des équations complexes pour générer la cryptomonnaie la plus connue.
– 747 –
“Cela ressemble au bruit d’un réacteur (Boeing) 747”, commente Frank Peller, qui vit dans une maison brune à plus d’un mile de ce centre informatique.
“Quand nous étions assis dans notre jardin – j’habite à environ deux à quatre miles de Niagara Falls – vous pouviez les entendre tous les soirs au loin. Maintenant, vous ne pouvez plus les entendre du tout, mais d’où j’habite, j’entends le bruit miner du bitcoin tous les jours”, résume à l’AFP la fillette de sept ans à la crinière argentée.
“C’est plus fort le matin et le soir, quand l’humidité est élevée, la brise souffle”, ajoute-t-il.
Bryan Maacks, qui vit plus près de cette “mine”, la décrit comme un “bourdonnement sourd”, une vibration qui a imprégné sa maison jour et nuit depuis l’hiver dernier.
“C’est épuisant mentalement. C’est comme avoir mal aux dents 24 heures sur 24”, fulmine l’homme de 65 ans. Elle explique qu’elle doit porter des écouteurs tout le temps à la maison, utiliser un ventilateur pour étouffer les sons et s’endormir.

Désespéré, il a lancé une pétition et placé une pancarte “US Bitcoin Stop noise” à l’arrière de son pick-up rouge, qu’il a garé devant l’entreprise pendant plusieurs semaines.
“La pollution sonore causée par cette industrie ne ressemble à rien de ce que nous avons connu”, a déclaré le maire de Niagara Falls, Robert Restaino, dans son bureau décoré de peintures des célèbres chutes. La ville abrite une industrie lourde depuis des décennies.
Face à un flot de plaintes, principalement sur le bitcoin américain, la mairie a ordonné un moratoire sur toutes les nouvelles activités minières en décembre 2021, puis a imposé début septembre un niveau de bruit strict pour les cryptomineurs ne dépassant pas 40-50 décibels dans les zones résidentielles.
– Mur anti-bruit
“Dès que nous avons pris connaissance de ces inquiétudes, nous avons érigé une barrière en plastique”, s’est défendu l’américain Bitcoin dans un communiqué à l’AFP. “Nous avons préparé les plans d’un mur anti-bruit”, dont la construction a été empêchée par le moratoire, selon l’entreprise.
Dans la ville voisine de North Tonawanda, la société minière canadienne Digihost, qui fait également face à la colère des riverains, a entrepris de construire un mur insonorisé de plus de six mètres de haut, pour un coût estimé à plusieurs centaines de milliers de dollars, indique le maire. Austin. Tylec.

À Niagara Falls, la mairie a ordonné la fermeture de deux fermes de bitcoins début octobre jusqu’à ce qu’elles se conforment aux nouvelles lois locales.
Si les deux sociétés affirment coopérer avec la ville, seul Blockfusion a éteint ses processeurs fin octobre et réduit le nombre de ventilateurs en état de marche, que le Bitcoin américain tourne toujours à plein régime, a constaté le journaliste de l’AFP.
“S’ils continuent de refuser de se conformer à notre ordre de fermeture, nous devrons saisir la justice”, a déclaré Robert Restaino.
Une telle bataille juridique oppose déjà la ferme de bitcoins basée au Tennessee, Red Dog Technologies, aux autorités locales. De la Caroline du Nord à la Pennsylvanie, il y a eu d’autres plaintes pour pollution sonore autour des centres de données.
“Je vais protester jusqu’à ce que le buzz se dissipe. Jusqu’à ce que j’entende le grondement de la chute”, conclut Bryan Maacks.